Friday, September 26, 2008

Retour juridique sur une pub très rigolote



RTD Civ. 2008 p. 273
Un Président publicitaire ?
(TGI Paris, ord. réf. 5 févr. 2008 (2), JCP 2008 Act. 117, obs. E. Durieux)
Jean Hauser, Professeur à l'Université Montesquieu Bordeaux IV ; Directeur du CERFAP

Pour illustrer une campagne publicitaire sur les voyages à deux, une compagnie aérienne avait eu l'idée d'utiliser une des nombreuses photographies du couple présidentiel dernier en date, ce qui a provoqué la demande en référé et la condamnation à 60 000 euros de provision au profit de l'épouse. On sait depuis longtemps que le droit à l'image peut reculer devant les nécessités de l'information, le droit de critique et, pour reprendre une expression propre au droit des propriétés intellectuelles (art. L. 122-5 4° CPI), la parodie, le pastiche et la caricature. Si, dans notre cas, ni l'information, ni la critique ne pouvaient justifier l'utilisation publicitaire, on pouvait effectivement s'interroger sur la dernière exception, à savoir la parodie ou la caricature. La question a déjà été abordée par la Cour de cassation et nous l'avions, en son temps, étudiée avec les nuances qui s'imposent (Civ. 1re, 13 janv. 1998, RTD civ. 1998. 341, JCP 1998. II. 10082, note G. Loiseau ; D. 1999. 120, note Ravanas. Sur la discussion d'ensemble, F. Fiechter-Boulvard, La caricature : dualité ou unité, RTD civ. 1997. 67). Il ne nous semble pas que l'analyse présentée à l'époque soit remise en cause. La Cour de cassation avait cassé l'arrêt qui avait admis l'exception au droit à l'image en affirmant seulement un droit général à la caricature alors qu'il fallait constater, pour la retenir, que cette exception était liée à la liberté d'expression. On s'était alors demandé si la cassation excluait toute utilisation commerciale pour conclure négativement, au bénéfice de quelque distinction mettant plutôt en avant la liberté d'expression, même si la caricature était ensuite vendue car il faut bien que les caricaturistes vivent (on peut penser, par exemple, à Daumier). Dans notre cas précisément il ne pouvait être question de liberté d'expression car la compagnie aérienne n'avait, à l'évidence, aucune intention critique d'ordre politique mais poursuivait le simple but d'utiliser la célébrité du couple pour vendre ses voyages. On ne peut donc reprocher au juge des référés d'avoir, à cette occasion, réaffirmé le droit à l'image puisque la seule exception concevable n'était pas en cause. Sur le plan des droits de la personnalité la décision n'est donc guère critiquable. Il existe deux précédents présidentiels, l'un quand la firme Mercury utilisa, pour une publicité dans l'Express, une photographie du Président Pompidou dans un canot de la marque (TGI Paris, ord. réf. 4 avr. 1970, JCP 1970. II. 16328, note R.L.), ce qui lui valut condamnation, et l'autre quand l'auteur d'un jeu de cartes reproduisit l'image du Président Giscard d'Estaing en personnages historiques (TGI Nancy, ord. réf. 15 oct. 1976, JCP 1977. II. 18526, et les obs. très complète de R. Lindon). Pour écarter l'exception de la liberté le juge avait noté, à juste titre à notre sens, que le jeu de carte commercialisé ne pouvait être considéré comme un « véhicule porteur de la liberté d'expression ». Quant à s'aventurer sur le terrain politique et la pratique du nouveau couple présidentiel ou encore l'immunité dont le Président profite, on ne sache pas que les droits de la personnalité soient une question constitutionnelle ou politique (V. toutefois les obs. préc. E. Durieux) (sur le droit à l'image en droit espagnol V. l'ouvrage ss. la dir. de J.R. De Verda y Beamonte, éd. Aranzadi, 2007, spéc. sur notre sujet, l'article de I. De La Maza Gazmuri, p. 181 s.).