Thursday, August 24, 2006

Rencontre et vie

"Il y a quelque chose de tout particulier dans le sérieux profond et inconscient avec lequel deux jeunes gens de sexe différent, qui se voient pour le première fois, se considèrent l'un l'autre, dans le regard scrutateur et pénétrant qu'ils jettent l'un sur l'autre, dans cet examen attentif qu'ils font subir réciproquement à tous les traits et à toutes les parties de leur personne. Cette analyse si minutieuse, c'est la méditation du génie de l'espèce que l'individu qui peut naître d'eux et la combinaison de ces qualités". SchopenhauerLe Monde comme volonté et comme représentation (1819)
Il semble, à le lecture, de ce texte (et de d'autres comme celui de Paul MORAND L'homme pressé )que les principes qui gouvernent le choix que l'on peut faire lors d'une rencontre avec une personne du sexe opposée soient sujet de réflexion : Qu'est-ce qui nous pousse au fond à nous dire que cette personne que je ne connais pas, je lui offre l'opportunité de pouvoir un jour partager mon existence?
Voilà une question en amont même des réflexions sur l'amour car l'amour vient après : Schopenhauer se place juste avant. Avant que naissent chez les protagonistes des sentiments qui brouilleront les pistes.Avant l'amour. Durant ce court moment où il demeure encore un zeste d'objectivité. La question est donc de savoir ce qui nous pousse à basculer dans la subjectivité totale, à femer les yeux, à se laisser emporter...
Selon Schopenhauer ce basculement est le résultat d'une analyse de l'autre mais aussi de soi-même dont l'objectif est de déterminer si cette union, cette fusion pourra donner naissance à un "génie de l'espèce". Ainsi, l'homme en décidant d'ouvrir son coeur et son corps à une autre personne décide de créer une nouvelle personne, de participer au mystère de la création et du renouvellement du monde.
Mais au-delà de cette implication, l'homme par une rencontre opère un choix : celui de participer au monde de la manière la plus complète et la plus entière qui soit avec telle autre personne ; il choisit de vivre et de se sntir vivre de la manière la plus forte qui lui soit donnée avec telle personne.Autrement dit même si ces deux personnes ne vivent pas toute leur vie ensemble : elles ont par cette participation commune au "génie de l'espèce" lié à jamais leurs existences.
Cette idée a d'ailleurs eu de nombreuses répercussions. Ainsi, Alexandre Dumas affirme t-til " les hommes ne sont mus, quand ils aiment, ni par des convoitises dépravées, ni par un attrait diivn. Ils travaillent pour le génie de l'espèce sans le savoir, ils sont tout à la fois ses instruments, ses courtiers et ses dupes".
Par l'amour dans lequel l'homme croit échapper à la mort, à l'utilisation que le quotidien et la vie fait de lui , l'homme ne fait, selon Schopenhauer, que reproduire le système de la vie et de la souffrance en créant de nouvelles vies humaines.L'homme croit trouver dans l'amour une source de plaisir sans faille et qui lui est propre, il croit avoir enfin pu échapper au cycle de la vie et à la souffrance, il ne fait que replonger dedans car pas d'amour sans souffrance et l'amour a pour résultat de reproduire l'espèce.
Cependant c'est là son rôle, son but, son ultime fonction et choisir avec qui on la partagera, avec qui on participera pour peut-être des générations entières nécessite analyse et observation attentive. Et ce que Schpenhauer affirme c'est clairement que ce choix ne se fait pas a posteriori quand amour, liens et sentiments sont entremelés mais en amont de tout cela, au moment même de la rencontre.
Ainsi, toute rencontre est réflexion sur son propre être d'une part (sur qui l'on est et avec qui l'on peut partager) mais réflexion également sur ce que l'on veut laisser de soi : avec qui l'on travaillera pour le génie de l'espèce mais également quel sera notre participation au génie de l'espèce.
Nietzsche critiquera cette analyse en affirmant que la réflexion que l'homme mène lors d'une rencontre est celle de ses valeurs et des valeurs qu'il entend retrouver, partager, percevoir, sentir et voir s'agiter devant lui. Selon lui la réflexion ne va pas jusqu'au génie de l'espèce, elle demeure plus attachée à sa propre personne, au vivant même de celle-ci et non à la trace que l'on veut laisser derrière soi :
"Savoir quels sont, dans une âme, les groupes de sensations qui s'éveillent le plus rapidement, qui prennent la parole, donnent des ordres, c'est là ce qui décide de la hiérarchie complète de leur table de valeurs."
Par delà le bien et le mal







0 Comments:

Post a Comment

Subscribe to Post Comments [Atom]

<< Home