Thursday, August 24, 2006

Le pale reflet de mes regrets




Sous cet arbre, tu étais là. Tu m'attendais sans doute. J'étais en retard surement. Il faisait déjà sombre et je le regrettais indubitablement. Je ne pouvais qu'entre apercevoir les lignes vieillissantes de ton visage. Tu ne parvenais même pas à me regarder en face et à distinguer ma présence.

Sous ces arbres, assis, tu me montrais ces deux aigles effrayants comme ton ultime conquête, comme la preuve patente de ta maîtrise du monde qui t'entourait. Peut être que je n'arrive toujours pas au centième de ta maîtrise, peut être au contraire que je l'ai dépassée depuis longtemps. Au fond peu importe. Personne ne le dira jamais.

Les branches trop longues entouraient notre échange trop retardé. Comme dans un dernier souffle, tu m'interrogeais, tu venais aux nouvelles, comme tu le disais si souvent, maladroit que tu étais dans tes introductions et dans ton discours. Comme dans un dernier errement, je m'exaspérais devant ton décalage, devant ta cécité à ne pas voir qui j'étais, à ne pas me comprendre, à ne pas me faire sentir que je t'appartenais au-delà de tout.

L'autonomne était déjà bien avancé, les chênes de ton jardin perdaient leurs feuilles et l'étendue des ravages de la nature qui s'offrait à moi m'était malheureusement indifférent. Aveugle, moi aussi, ton égale dans cette incompréhension mutuelle, je ne m'apercevais que bien trop tard de tes cheveux grisonnants, de tes dents abimés et de ton air agard.

Déjà jaunes par endroits, presque marrons, quelques feuilles émacillées valsaient au souffle du vent. Centrée sur mes propres évolutions capilaires, omnubilée par ces quatre yeux impertubables, je sentais la haine et le danger sans trop savoir d'où il venait exactement. Ces aigles empaillés me terrassaient et m'éloignaient de toi sans que je puisse le cacher.

Le vent se renforçait, je sortis une laine, tu étais déjà quasi immobile, ne voyant plus du tout, ni ta fille, ni tes aigles qui faisaient désormais partie de toi. Tu avais rejoint un autre royaume sans m'y emmener. Je restais là, seule sur la terasse, devant chez toi, sans savoir comment rentrer en sachant que tu ne reviendrais pas.

Un dernier souffle, glacial celui là, emporta tout, les quelques feuilles tombées s'envolèrent.





C'était désormais moi qui était assise là, seule, attendant sur la terasse...Peut être que moi aussi un jour j'empaillerais des aigles, pour l'instant j'attends et le vent reste modéré.

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