Sunday, December 09, 2007

L'implicite et le droit des contrats

Le contrat est acte de volonté. Il est expression, produit de la liberté des cocontractants. Il rejette par essence l'implicite ou du moins croit-il pouvoir la repousser. L'implicite se faufile cependant, imisce le doute, crée le litige, provoque l'inexécution. Mais l'implicite répare aussi les erreurs qu'il a pu créer. Il anticipe les inachevés du contrat, parfait celui-ci, fait de l'oeuvre imparfaite, proprement humaine qu'est le contrat, une oeuvre perfectible.

I-L'implicite, source du conflit contractuel :

Le juste du contrat est le juste de l'expression de la volonté souveraine. Ceci étant dit la lumière est déjà mise sur l'injuste contractuel. La limite même de l'article 1134 du Code civil est palliée par l'alinéa 3 de ce même article : le contrat fait loi pour les parties contractantes jusqu'à ce que l'injustice de la loi émerge. La bonne foi vient alors limiter la force obligatoire du contrat et en cela même lui permet d'exister.

Que penser de ce qui n'est pas dit au contrat? Doit-on pour autant le rejeter comme n'appartenant pas à l'acte contractuel? Sans doute, certaines notions comme celles du champs contractuel revêtent en elles-mêmes assez de force pour nous faire comprendre que l'implicite n'a pas sa place dans le contrat. A cela, s'ajoutera la clôture du débat entre volonté implicite et volonté déclarée qui s'est depuis longtemps soldée par une consécration de la volonté déclarée. La sécurité l'aurait ainsi, soi-disant, emporté sur la recherche jusque boutiste de la volonté des parties contractantes.

L'interprétation du contrat et l'entrée en soi dans la phase d'exécution, avec toutes les difficultés qui peuvent y être liées, redonnent pourtant un intérêt majeur à l'implicite. C'est à la volonté implicite des parties contractantes que le juge doit, selon les termes de l'article 1156 du Code civil, se référer pour interpréter les clauses obscures et/ou imprécises.

Mais, au-delà même de cet exemple, somme toute classique, l'implicite reprend toute la place qu'il mérite lorsqu'il se fait évidence. La contradiction entre les termes mêmes de l'expression et l'évidence de l'explication ou de la volonté aboutira à la consécration de l'implicite ou du moins à sa prise en compte. La théorie de la cause du contrat a été ainsi utilisée et notamment dans le fameux arrêt DPM/cassettes vidéos du 3 juillet 1996 pour donner au contrat toute sa force et à la volonté implicite toute sa place. L'implicite de la convention conclue était de rentabiliser l'opération contractuelle, l'explicite des termes assénait à la société venderesse uniquement l'obligation de mettre en place le "point club" mais ici l'implicite se fait évidence.

L'implicite est donc chassé du contrat lequel nécessite pour conserver toute sa crédibilité de faire oeuvre de sécurité, mais il ne peut jamais en être totalement écarté et c'est faire preuve d'honnêteté juridique que d'admettre que comme tout acte de volonté, comme tout fruit d'expression, le contrat est certes rencontre des consentements mais jamais tout
n'est dit, jamais tout n'est compris également. Le subjectif est intrinsèque, inhérent, l'implicite demeure.

II-L'implicite, source de rigueur contractuelle :

Aussi paradoxalement que cela puisse paraître, l'implicite sait aussi être source de rigorisme contractuel. Il fait naître des obligations non prévues. Et si le législateur autant que les juges le chassent quand il est indésirable, ils s'appuient parallèlement dessus en tant qu'outil d'interventionnisme contractuel.

Ainsi, la bonne foi tempère la force obligatoire. La disposition prévue à l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil pourrait ainsi être fort bien analysée comme une clause implicite, une obligation contractuellement non prévue et pourtant présente dans tout contrat. Si cela n'est pas dit clairement en ce qui concerne l'article 1134, il n'en va pas de même pour l'article 1184 du Code civil qui répute "sous-entendue dans tout contrat synallagmatique" la condition résolutoire. Et le législateur du code civil d'insérer allègrement une clause, de manière implicite, dans tout contrat en vertu de laquelle tout contractant pourra demander en justice la résolution du contrat conclu.

Notons que depuis lors, les juges se sont enfournés dans l'implicite pour faire oeuvre de justice contractuelle. Des obligations de sécurité, aux obligations de renseignement en passant par les obligations de conseil elles sont toutes le fruit de l'implicite en tant que non présentes explicitement dans le contrat ni même produit d'un accord. Et pourtant, elles existent. Le juge violant ainsi clairement la loi des parties pour étendre la portée de leur accord et ne pouvant se permettre de reconnaître augmenter les obligations contractuellement prévues, il se sert de l'implicite pour affirmer qu'il ne fait là qu'exprimer ce qui était déjà présent, ce qui était implicite.

Ainsi, et pour conclure partiellement, l'implicite est l'indésirable quand il prend sa source dans l'imperfection du contrat, quand il est la conséquence des écueils de la rédaction contractuelle, de l'expression des parties pour devenir l'outil du législateur et surtout du juge justifiant ainsi une insertion non désirée et souvent vue comme non légitime dans ce qui est censé être le fruit de la volonté des parties.

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