Sunday, March 09, 2008

La quête éperdue de l'unicité de l'homme moderne.

La pensée et l'action qui découle de celle-ci ne peuvent plus être relevés comme permettant d'invisidualiser l'homme, de le distinguer de son prochain.

Le cogito cartésien, cogito ergo sum, je pense donc je suis, peut être interprété comme : ce qui me constitue en tant que personne et donc m'individualise, me distingue de mon prochain c'est ma pensée. Si je suis parce que je pense reste à savoir si je suis ce que je pense et si ma pensée me définit en tant qu'être ou me différencie des autres êtres pensant.
Si cela a pu être vrai, ça ne semble plus l'être aujourd'hui...

1-L'objet technologique désindividualise l'homme :

Or, l'action découlant de la pensée n'est pas pertinente à individualiser l'homme dès lors que le récepteur est robotisé, machiné, déshumanisé car l'action est certes émise et donc permet à l'homme d'émettre un signe de sa manifestation au monde. Mais, ce signe n'est jamais réceptionné car l'impact de cette manifestation relève de l'automatique, du contrôlé, de l'anticipé.
En découle une frustration imperceptible pour l'homme qui n'a aucun retour rassurant en ce qu'il atteste humainement et présentement parlant de sa présence au monde.
Ainsi, quelque soit la personne qui allume la lampe. La lampe va s'allumer. Elle est programmée pour s'allumer. Quelque soit la manière dont on allume la lampe (pied, mains...) la lampe va s'allumer si on s'y prends correctement.

L'acte découlant de la pensée consistant à allumer la lampe ne permet donc aucunement d'individualiser l'homme. La pensée a donc été développée et formulée, l'action réalisée, le signal d'émission de la présence au monde a donc été émis mais aucun retour original ne permet à l'homme de se sentir individualisé.

En résulte une nécessaire frustration consistant pour l'homme à n'avoir aucun retour sur sa pensée et l'action qui en a résulté : dans le contact avec l'objet moderne, avec l'objet technologique l'homme n'est pas parce qu'il pense ou parce qu'il agit car il pourrait être autrui que la résultante de son action serait identique. Aucune individualisation n'est donc possible. En résulte également une nécessaire angoisse car l'homme a besoin de se sentir exister, individualisé, de se sentir unique pour se sentir vivant et c'est le retour de sa pensée, la réponse-conséquence en découlant qui le rassure en attestant de sa présence au monde.

Or, le contact avec l'objet s'il a certes toujours été un contact déshumanisé par essence n'a pas toujours été un contact désindividualisant, au contraire. L'objet construit, l'objet à construire, l'objet crée au contraire atteste de la présence de l'homme au monde et le rassure en lui permettant d'agir sur l'objet premier, naturel, de manière unique. (maîtrise de l'homme sur l'objet et la nature)

Ainsi, en prenant un bout de bois pour allumer un feu je vais pouvoir allumer le feu de mille manières différentes. Une lampe, produit fini, me permet d'allumer la lumière ou bien de la casser ou toute autre utilisation peu pertinente tandis qu'un produit non fini comme le bois ouvre un champ des possibles dans l'utilisation quasi-infini.

L'homme moderne n'étant en contact qu'avec des produits finis, il ne peut s'individualiser par ce biais là.

2-La pensée contemporainement produite par l'homme ne l'individualise plus :

Pour que la pensée prise seule (sans sa résultante-action) puisse être apte à distinguer l'homme de son prochain encore faut-il s'assurer de l'unicité de la pensée produite. Or, l'impact des modèles visionnés est à prendre en compte comme abolissant progressivement la pensée originale et comme augmentant progressivement les automatismes.
Le vu est ressenti comme modèle et impregné comme tel car étudié en amont pour être imprégné comme tel (études d'impact, de marketing, publicité...).
Donc, l'homme est dépossédé de la pensée autonome : il n'est plus apte à être homme individualisé par la pensée qu'il produit puisqu'il aura été antérieurement influencé pour penser comme autrui.
Dépossédé d'une pensée-création à laquelle vient se substituer une pensée-reproduction, l'homme en peut plus être différencié de l'animal en ce qu'il pense et en ce que sa pensée n'est pas guidée par des automatismes. La pensée unique ou, à tout le moins, l'augmentation de la pensée reproduction est donc nécessairement synonyme de régression.
3-La prépondérance de la société comme rempart et fossé :
Dès lors que l'homme n'a plus la pensée ni l'action résultant de la pensée pour se sentir être au monde, il ne lui reste plus que le contact avec autrui pour se rassurer et être vu, ressenti, individualisé. Ainsi, l'homme moderne fuit la solitude car il perd dans cette hypothèse là un des seuls moyens de voir sa présence attestée. Le regroupement avec autrui, le rassemblement ont dès lors un effet rassurant non négligeable.
Mais de manière consécutive, il augmente l'effet d'auto-influence de l'homme sur autrui et pour ainsi l'effet troupeau. La pensée unique est nécessairement le dogme puisque penser différemment est non pas non accepté, mais non-compris par un esprit formaté pour penser d'une certaine manière. Risque alors de se créer un fossé d'incompréhension et un rejet de l'homme n'entrant pas dans le modèle de pensée. Ainsi, tout en rassurant l'homme et en lui permettant par le regard d'autrui de se sentir un temps (temps1) individualisé, la foule, la société, la multitude crée une désindividualisation par l'imitation nécessaire qu'elle implique (temps2).
La désindividualisation par la vie sociale est alors le dernier effet qui plonge l'homme dans une crise existentielle sans solution car découlant d'un cercle dont il ne parvient pas à se sortir : c'est la quête éperdue de l'homme moderne : c'est de l'homme unique, celle de l'homme humain.

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